Visions fugitives, par Nathalia Milstein – Sortie le 3 septembre 2021

Centre de gravité de ce disque, les Visions fugitives forment vingt pièces reliées ensemble par leur numéro d’opus et leur titre, n’étant pas forcément désignées à être jouées en tant que cycle. Sergueï Prokofiev lui-même les jouera séparément, pour ses amis ou en bis, mais les aura créées intégralement en 1917. Souvent comparées au monde impressionniste de Debussy, elles peuvent être perçues comme des images, chacune étant représentation ou reflet distinct, comme un cahier d’esquisses; en les écoutant d’un bout à l’autre, des connexions se font entre certaines de par leur poésie rêveuse ou par des accents railleurs tellement propres à Prokofiev (dont on peut ressentir le mélange malicieux dans le poème de Balmont). De l’avant-dernière le compositeur dira que l’état d’esprit ambiant, entre les bouleversements de la Grande Guerre et de la révolution russe , s’y reflète. Notons que le titre original en russe – « Мимолётности» – n’est pas vraiment traduisible, puisqu’il s’agirait littéralement de « choses qui survolent en passant ». Malgré la beauté de la traduction française que Prokofiev approuve et utilise lui-même, le terme originel est plus abstrait et contient la notion de l’intangible. L’intangible et l’insaisissable, pouvant aller d’une simple évocation à un caractère prononcé, prennent vie en musique grâce au génie de Prokofiev, et émerveillent autant ses contemporains que ses interprètes jusqu’à aujourd’hui.