Tradition & Transcription de Bach, par Skip Sempé – Sortie le 27 août 2021

Gustav Leonhardt a transcrit les œuvres de Bach pour violon et violoncelle seul en vue de les jouer au clavecin. Cinq ans après sa mort, Bärenreiter a publié une édition de ces pièces, grâce à la générosité d’esprit de certains membres de la famille Leonhardt et du cercle rapproché de ses amis. Ces transcriptions nous ont finalement permis d’étudier et d’apprécier ce que l’on peut considérer comme la plus belle musique idiomatique écrite pour le clavecin au XXe siècle. Ces transcriptions dans le style du XVIIIe siècle ont été conçues avec en tête un style de clavecin de facture traditionnelle et non avec celui d’un instrument conçu au XXe siècle. !
Ce recueil, contrairement aux nombreux ouvrages que nous avons pu étudier et jouer pour nous-mêmes jusqu’ici, donne lieu à une question pertinente, totalement nouvelle au sein du mouvement dénommé « musique ancienne » ou « musique historiquement informée ». Dès le début des années 50, on a passé beaucoup de temps et versé beaucoup d’encre sur le concept de « l’intention du compositeur ». !
Mais avons-nous en fait parlé d’autre chose que de l’intention de l’interprète ? Frans Brüggen se posait souvent la question quant aux interprétations de notre temps, se demandant si oui ou non le compositeur, placé au sein du public, reconnaîtrait sa propre composition ! !
Une question se pose: quand l’interprète est lui-même le compositeur, qu’advient-il de « l’intention de l’interprète » pour les musiciens interprètes qui abordent ces œuvres ? Que faisons-nous exactement, après avoir entendu Rachmaninov jouer Rachmaninov, Stravinsky diriger du Stravinsky, Bernstein du Bernstein ? Reproduire exactement ce qu’ils ont fait ? Ou inventer délibérément une autre version – c’est-à-dire la nôtre ? !
Concernant la musique ancienne, le compositeur est mort depuis longtemps. Est-ce la vraie raison qui nous fait parler avec tant de passion et d’autorité des intentions du compositeur ? Ceci nous autorise-t-il à présenter nos intentions comme étant les siennes ? !
Dans notre cas particulier, Gustav Leonhardt, l’interprète, n’est plus là non plus. Or l’interprète en question a non seulement joué ces œuvres en public, mais il les a toutes enregistrées pour des grandes maisons de disques, les présentant ainsi à un cercle international de musiciens initiés et d’amateurs.