Robert Schumann par Claire Désert – Sortie le 24 septembre 2021

Tout se transforme, se métamorphose sans cesse. L’organisme, molécules et particules, en expansion, en mutation permanente, comme des cellules qui prolifèrent autant qu’elles se détruisent. La nature a vocation d’éternité. « Parce que toute grandeur, dans un sens ou dans l’autre, se perd dans l’infini », Novalis dans les Disciples à Saïs aspirait à ces évolutions permanentes : « C’est en nous-mêmes, un mystérieux élan, parti d’un centre infiniment profond qui se propage en ondes concentriques. » Le poète, également minéralogiste et géologue, revendique une œuvre protéiforme, mobile comme le pollen, telle une matière en train de se former sous nos yeux. Le fragment, comme parcelle du Grand Tout, variations sur un même thème, obsède également Schumann. Le géologique du poète devient psychique chez le musicien. Ces mutations infinies et invisibles s’apparentent à l’humeur (humor), instable elle aussi, en perpétuels éclats, en sauts et soubresauts musicaux affolants qui finissent par tisser une seule et même histoire. Une seule et même étude qui varie inlassablement sur l’ensemble du clavier. C’est le Grand Tout des Études symphoniques opus 13 qui fascine par son unité, par un processus de perpétuelles modifications, aussi bien dans le travail préparatoire qui fut long et complexe pour le Schumann de 1833 au moment de l’ébauche, que dans le geste d’une écriture musicale qui progresse, de mesure en mesure, vers une marche triomphale. Progression que rien ne semble arrêter. Schumann, dans une lettre à Ferdinand von Fricken, synthétise : « L’objet doit être certes inchangé, mais il doit se voir transformé par un verre d’une couleur différente à chaque fois, comme c’est le cas de ces vitres multicolores qui font apparaître le paysage baigné tantôt de la lumière rouge du couchant tantôt de la lumière dorée du soleil matinal ».